Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

hadrien desuin - Page 3

  • L’Europe de la défiance...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hadrien Desuin consacré à la question de l'Europe de la défense et cueilli sur Geopragma. Spécialiste des questions géopolitiques, chercheur associé à Geopragma, Hadrien Desuin est l'auteur de La France atlantiste (Cerf, 2017).

     

    Europe de la défense.jpg

    L’Europe de la défiance

    La France multiplie les effets d’annonce en faveur de “l’Europe de la défense” sans pouvoir masquer sa dépendance à l’OTAN.

    Quelques jours avant le sommet de Londres, les 3 et 4 décembre 2019, un entretien présidentiel publié dans l’hebdomadaire britannique The Economist met le feu aux poudres. En qualifiant l’OTAN d’organisation “en état de mort cérébrale“, Emmanuel Macron vole la vedette à Donald Trump, pourtant habitué à ce type de sortie fracassante. Son duel à fleuret moucheté avec le président turc et membre de l’OTAN, Erdogan, se poursuit en juin 2020, sur fond de guerre civile libyenne, lors de la venue à Paris du président tunisien, Kais Saied. Quelques jours plus tôt, la flotte turque a menacé une frégate française envoyée par l’OTAN au large des côtes libyennes. Washington n’a pas condamné la Turquie et l’OTAN a prudemment demandé une enquête, renvoyant dos à dos Turcs et Français. Ce camouflet illustre la marginalisation de la France dans l’alliance atlantique et justifie a posteriori ses doléances exprimées à Londres: une Europe de la défense indépendante de la tutelle américaine, moins complaisante vis-à-vis de la Turquie et moins obnubilée par la menace russe. Entre temps, Jens Stoltenberg, le secrétaire général norvégien de l’OTAN, est venu à l’Elysée demander des explications: « Nous avons besoin d’une structure de commandement forte et compétente, pas de diviser les ressources en deux ». Il serait selon lui « dénué de sens de permettre à l’OTAN et à l’Union européenne de rivaliser ». Nicole Bacharan, figure de la French-American Foundation, souvent critique du président Trump, sait mettre de l’eau dans son vin quand c’est nécessaire:  « Sur le fond Trump a raison, c’est irréaliste de penser qu’une armée européenne pourrait se passer des États-Unis ». Angela Merkel a certes tenté une synthèse: « il ne s’agit pas d’une armée contre l’OTAN, bien au contraire ! Cela peut être une armée qui complétera l’OTAN de façon très utile, sans remettre ce lien en cause »;  Vladimir Poutine est finalement le seul à voir dans une « une armée européenne : un processus positif pour le renforcement du monde multipolaire ».


    La roue de secours de l’OTAN ?

    En réalité, les malentendus entre l’OTAN et les projets d’armée européenne ou d’Europe de la Défense ne datent pas d’aujourd’hui. Après deux guerres mondiales Britanniques et Français sont traumatisés par l’engagement tardif des Américains contre l’Allemagne. Dès le 5 mars 1946, dans un discours resté fameux à Fulton, Winston Churchill s’alarme du “rideau de fer descendu à travers le continent, de Stettin dans la Baltique à Trieste sur l’Adriatique.” Suivront en 1947, la doctrine Truman et le plan Marshall mais aussi le traité franco-britannique de Dunkerque, signé le 4 mars, dans une ville ô combien symbolique. Un an plus tard, à Bruxelles, le traité bilatéral franco-britannique s’élargit au Benelux. Son article 5 prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression extérieure. L’Europe de la défense ne va toutefois durer qu’un an. En 1949, avec le traité de Washington, les dispositions du traité de Bruxelles sont vidées de leurs substances et mis en sommeil. Washington, qui planifie une guerre imminente contre l’URSS, au vu de ce qui se passe au même moment en Corée, prend directement les commandes.Bien loin d’être concurrents, les deux projets militaires, OTAN et Europe de la défense apparaissent dès l’origine complémentaires dans la mesure où la dernière sert de palliatif ou de plan B, pour encourager ou suppléer une puissance américaine parfois hésitante. En 1954, lorsque Jean Monnet échoue de peu à fonder la CED (communauté européenne de Défense), l’Union de l’Europe occidentale (UEO) réactive le traité de Bruxelles et puis sombre à nouveau dans l’oubli.

    35 ans plus tard, la guerre froide s’achève sur une victoire de l’OTAN par abandon des soviétiques. La paix européenne présuppose la réintégration de la Russie dans le concert européen mais la chose est impensable pour Washington. Les structures otaniennes diminuent leur empreinte au sol mais s’élargissent vers l’est. Les Européens, et singulièrement la France, tentent dans le même temps une relance de l’Union de l’Europe Occidentale, “troisième pilier du traité de Maastricht”.
    Dans les faits, malgré l’implosion yougoslave et l’intervention tardive des Etats-Unis (accords de Dayton puis occupation du Kosovo), les nations européennes se sont empressées d’ “engranger les dividendes de la paix“. Formule prononcée par Laurent Fabius dès le 10 juin 1990 et symptomatique d’une vision économique du monde. La plupart des armées européennes se contentent des missions dites de Petersberg, du nom de la déclaration de l’UEO, faite à l’hôtel éponyme sur les hauteurs de Bonn en 1992. Missions “civilo-militaires” de formation, de coopération ou d’interposition dont les contours politiques s’avèrent assez flous. Il faut “gagner la paix” et non plus “faire la guerre”. Il y a une “division du travail entre les États-Unis, qui “faisaient le dîner”, et les Européens, qui “faisaient la vaisselle” ironise Robert Kagan dans un article dePolicy Review publié en 2002 et destiné à préparer l’opinion à la guerre en IrakArticle qui sera à l’origine de son ouvrage majeur, La puissance et la faiblesse. Pour Kagan, l’Europe s’apparente à Vénus, déesse de l’amour, tandis que Mars, dieu de la guerre, inspire l’Amérique. Autrement dit, l’armée américaine détruit l’ennemi et les Européens réparent les dégâts.
    La PESD (Politique Européenne de Sécurité et de Défense), héritière de l’UEO n’a jamais pu se substituer à l’armée américaine en Europe. Dans les accords de “Berlin +”, la condition pour que l’UE bénéficie des moyens de l’OTAN est que celle-ci ne soit pas engagée. La mission judiciaire et policière EULEX Kosovo n’a, par exemple, pas d’accord de partenariat avec la KFOR. Cet accord est aujourd’hui verrouillé par la Turquie qui fait payer aux Européens, via l’OTAN, sa non adhésion à l’UE.

    L’Europe de la Défense portée disparue.
    Certes la France et le Royaume-Uni tentent de conserver une capacité de projection et d’intervention “en premier” sur un théâtre d’opération. Ce sont les deux “nations-cadres” qui peuvent encore agir en autonomie ou diriger une coalition. Pour le reste, c’est le désarmement général: les crédits de défense dépassent péniblement les 1% du PIB. Le nombre de soldats et de régiments est divisé par deux ou trois en 30 ans. Dans son discours sur “l’État de l’Union” du 14 septembre 2016, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker a dévoilé un projet de “corps européen de solidarité” où les jeunes pourront servir les autorités nationales et locales mais aussi les ONG et les entreprises…Avec le Brexit, certains ont cru qu’il n’y avait plus d’obstacle à une Europe de la Défense. C’est méconnaître le tropisme atlantiste des pays d’Europe centrale, du nord et même du sud. Même la France a très tôt réaffirmé son étroite collaboration militaire avec le Royaume-Uni à l’occasion du sommet de Sandhurst en janvier 2018 et lors de l’exercice naval Griffin strike en Ecosse en octobre 2019. En théorie, la France a pu apparaître comme la dernière nation, avec peut-être la Belgique et le Luxembourg, à croire encore à l’Europe de la Défense. Mais en 2009, la France est rentrée dans le giron de l’OTAN et le fond européen de défense qu’elle a péniblement obtenu d’Angela Merkel pourra d’ailleurs servir à l’achat d’équipement militaire non-européen, signe de la dépendance américaine de l’Europe de la défense.

    Les administrations américaines successives appellent de leur côté les nations européennes de l’OTAN à stopper l’hémorragie budgétaire. 70% de la défense européenne est en effet assurée par les États-Unis et les états-majors de l’OTAN sont pléthoriques. On comprend que Donald Trump ait menacé de se retirer pour obtenir une meilleure répartition financière. Mais cette confortable réticence européenne peut s’expliquer. D’une pierre deux coups; cet effort européen permet à l’armée américaine de financer son propre réarmement. Et l’Europe, en première ligne, sert de tête de pont à la défense américaine. La mise en place en Europe du bouclier antimissile face à la Russie coûte par exemple très cher et c’est l’industrie américaine (Raytheon) qui en bénéficie en très grande partie. Une base navale en Espagne, un centre de commandement en Allemagne et deux bases de lancements en Pologne et en Bulgarie, sans compter le coût du système d’arme. Voilà pourquoi, l’achat de système de défense anti-missile russe S-400 par la Turquie a suscité plus de colère et de frayeur à Washington que les protestations françaises face à l’intervention militaire de Erdogan en Libye et en Syrie.

    Hadrien desuin (Geopragma, 25 juin 2020)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Le Monde à l'heure de Poutine...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°25, janvier-février 2020), dirigée par Jean-Baptiste Noé, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré à la Russie de Vladimir Poutine.

     

    Conflits 25.jpg

    Au sommaire de ce numéro :

    ÉDITORIAL

    L'axe du monde, par Jean-Baptiste Noé

    CHRONIQUES

    IDÉES

    George Orwell et la géopolitique, par Florian Louis

    PORTRAIT

    Matteo Salvini. Le buldozer italien, par Pierre Royer

    LE GRAND ENTRETIEN

    Nuno Severiano Teixera. Portugal : le pays archipel cultive son jardin

    ART ET GEOPOLITIQUE

    L'art sous le règne de Poutine , par Aude de Kerros

    GRANDE STRATÉGIE

    Alexandre maître de guerre, par Olivier Battistini

    HISTOIRE BATAILLE

    Patay (18 juin 1429). Le commencement de la fin, par Pierre Royer

    ENJEUX

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    CARTES

    VUE SUR LA MER

    CHRONIQUES

    LIVRES

    GÉOPO-TOURISME

    LIRE LES CLASSIQUES

     

    DOSSIER

    Le monde à l'heure de Poutine

    Vingt ans de Poutine, par Frédéric Pons

    Toqué... de tocantes, par Patrice Brandmayer

    Le cinéma patriotique sous Poutine, par Pascal-Marie Lesbats

    1999-2019 : 20 ans d'évolution, par Jean-Baptiste Noé

    Littérature et culture comme approche de l'identité russe, par Anne Pinot

    Russie : un soft power négatif, par Didier Giorgini

    Poutine, l'orgueil retrouvé de la diplomatie russe, par Hadrien Desuin

    Le grand retour de la Russie au Moyen-Orient, par Frédéric Pichon

    La Russie et la Chine en Eurasie, par Pascal Marchand

    La Russie et ses marges, par Christophe Réveillard

    Entretien avec Valery Rastorguev

    Russie  : un État mafieux ? Mythes et réalités, par Nicolas Dolo

    L'armée russe à l'ère de l'éclatement stratégique, par Peter Debbins

    Le secteur énergétique russe, par Robin Terrasse

    Le grand retour de la Russie en Afrique, par Bernard Lugan

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Revues et journaux 0 commentaire Pin it!
  • Désindustrialisation française...

    Le numéro 23 du mensuel conservateur L'Incorrect est arrivé en kiosque. On peut découvrir à l'intérieur un dossier consacré à la désindustrialisation et un autre consacré à la prostitution, un grand entretien avec Jean Raspail, ainsi que les rubriques habituelles "L'époque", "Politique", "Monde" "Essais" et "Culture"...

    Le sommaire complet est disponible ici.

     

    Incorrect 23.jpg

    Lien permanent Catégories : Revues et journaux 0 commentaire Pin it!
  • Une autre Europe est-elle possible ?...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°21, avril-mai-juin 2019), dirigée par Pascal Gauchon, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré à la possibilité d'une autre Europe.

    Conflits 21.jpg

    Au sommaire de ce numéro :

    ÉCHOS

    ÉDITORIAL

    Une autre Europe, par Pascal Gauchon

    ACTUALITÉ

    ENTRETIEN

    Jean-Marie Bouissou : Incorrect Japon

    PORTRAIT

    Le maréchal Haftar : vers un retour à l'ordre en Libye ? , par Bernard Lugan

    ENJEUX

    Yemen,. la fin de la guerre est-elle possible ? , par Eva Martinelli

    ENJEUX

    Bosnie, Kosovo, Macédoine. Carrefours de l'islam radical ? , par Linda Lefebvre

    ENJEUX

    Bouddhisme et islam. Un affrontement inévitable ? , par Didier Treutnaere

    ENJEUX

    70 ans d'OTAN, mais pas beaucoup plus, par Olivier Kempf

    ENJEUX

    Le pacte de Marrakech pour les migration, par Thierry Buron

    ENJEUX

    Pour qui roulent les trains à grande vitesse ? , par Jean-Yves Bouffet

    ENJEUX

    Le bras de fer fiscal avec les GAFAM, par Olivier de Maison Rouge

    IDÉES

    Une géopolitique des extra-terrestres, par Didier Giorgini

    IDÉES

    La géopolitique en Union soviétique, par Florian Louis

    GRANDE STRATÉGIE

    Les Mongols, inventeurs de l'Eurasie, par Sylvain Gouguenheim

    BATAILLE

    Falloujah (2004). Retour vers le futur, par Pierre Royer

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    "Je ne conçois pas l'action sans réflexion", par David Simmonet

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    Entretien avec Aurélien Colson. La négociation un art aux multiples facettes

    L'HISTOIRE MOT À MOT

    "L'Europe sera notre revanche", par Pierre Royer

    LA LANGUE DES MÉDIAS

    Le "mur de Trump", par Ingrid Riocreux

    BOULE DE CRISTAL DE MARC DE CAFÉ

    L'euro, une chance pour la France, par Jean-Baptiste Noé

    BIBLIOTHÈQUE GÉOPOLITIQUE

    Sortir du chaos, par Gérard Chaliand

    CHRONIQUES

    LIVRES/REVUES/INTERNET /CINÉMA

    GÉOPO-TOURISME

    Sarajevo : l'épuration ethnique au bout du compte, par Thierry buron

     

    DOSSIER : Une autre Europe est-elle possible ?

    Les occasions manquées, par Pascal Gauchon

    Une majorité contre l'Union européenne ? , par John Mackenzie

    Surmonter ou accepter les divisions de l'Europe, par Hadrien desuin

    La Grande carte : la désunion européenne

    Brexit : pourquoi tant de haine ? , par Hadrien Desuin

    Fixer les limites, par Jean-Baptiste Noé

    Rompre le cordon ombilical avec Washington, par Christophe Réveillard

    L'Union peut-elle renouer avec la Russie ? , par Pascal Marchand

    Entretien avec François Godement. La Chine dans nos murs

    La défense européenne maintenant ou jamais, par Louis Gautier

    Un moteur franco-allemand à gaz pauvre, par Georges-Henri Soutou

    L'Europe et l'UE : histoire d'un malentendu , par Pierre Royer

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Revues et journaux 0 commentaire Pin it!
  • Paysans, le droit du sol...

    Le numéro 18 du mensuel conservateur L'Incorrect est arrivé en kiosque. On peut trouver à l'intérieur un dossier consacré à la paysannerie, gardienne du sol (avec une très belle couverture de Jacques Terpant), ainsi que les rubriques habituelles "L'époque", "Politique", "Reportages", "Monde" "Essais" et "Culture"...

    Le sommaire complet est disponible ici.

    https://lincorrect.org/wp-content/uploads/2019/03/couv600.jpg

    Lien permanent Catégories : Revues et journaux 0 commentaire Pin it!
  • Quand Paris et Berlin se placent sous protection américaine...

    Nous reprodusisns ci-dessous un point de vue d'Hadrien Desuin, cueilli sur Figaro Vox et consacré au Traité d'Aix-la-Chapelle signé par Emmanuel Macron et Angela Merkel. Spécialiste des questions internationales, Hadrien Desuin est l'auteur de La France atlantiste (Cerf, 2017).

     

    Aix-la-Chapelle_Traité.jpg

    Traité d'Aix-la-Chapelle : «Paris et Berlin se placent sous protection américaine»

    Le titre d'Empereur du Saint Empire romain germanique, reçu à Aix-la-Chapelle pendant des siècles, fut aussi prestigieux que symbolique. Quand Napoléon y mit fin, on disait qu'il n'était ni saint, ni romain ni germanique. C'était un Empire honoraire dont le morcellement garantissait la sécurité de la France.

    De même, le traité d'Aix-la-Chapelle signé ce mardi 22 janvier 2019 par Emmanuel Macron et Angela Merkel aurait pu apparaître comme le couronnement de la fusion franco-allemande tant désirée par Paris. Allait-on ressusciter l'empire carolingien là où Charlemagne unît les peuples d'Europe occidentale il y a plus de 1200 ans, à la jonction des mondes latin et germanique?

    Déjà en 1963, après le refus des États Unis de former un directoire occidental (P3) avec la France et le Royaume-Uni, le général de Gaulle voulut détacher l'Allemagne de l'OTAN pour la ramener à elle et sortir ensemble de l'orbite américaine. Avec la bombe nucléaire française, il s'agissait de traduire diplomatiquement ce nouveau statut militaire et d'en finir avec les seconds rôles joués sous la IVe République. Comme chacun sait, Konrad Adenauer accepta de signer le traité, à l'Élysée, mais le parlement de la RFA neutralisa cette alliance en précisant qu'elle ne pouvait se substituer à l'OTAN.

    Le Bundestag ajouta un préambule qui assurait sa fidélité à son véritable vainqueur et mentor: Washington. Aix-la-Chapelle est certes la capitale de Charlemagne mais c'est aussi la première ville conquise par l'armée américaine en 1944. Les Allemands ne l'ont pas oublié.

    Dans ce nouveau traité où le symbolique l'emporte sur le stratégique, l'allégeance à l'OTAN est cette fois-ci directement inscrite dans le texte. Il n'y aura plus besoin de préambule et tous les efforts pour bâtir une défense européenne resteront superflus: la très hypothétique armée européenne sera toujours commandée par un général américain depuis son quartier général de Mons en Belgique. Le Bundestag pourra signer les yeux fermés.

    Ce statu quo stratégique fait écho au statu quo budgétaire. L'Allemagne a déjà refusé de rééquilibrer sa balance commerciale excédentaire en faveur de ses partenaires. Mais pourquoi s'incliner alors que, depuis 2009, la France s'est rangée d'elle-même dans l'OTAN?

    Le reste des dispositions prévues est donc un simple rappel de ce qui existe déjà en termes d'échanges franco-allemands: promotion du bilinguisme, eurorégion, coopération militaire et industrielle, soutien à l'Allemagne au conseil de sécurité de l'ONU... La seule nouveauté est l'assemblée et le conseil de défense franco-allemand. Des outils de dialogue non inintéressants mais très formels. Les articles qui prévoient plus d'intégrations politique et culturelle de part et d'autre de la frontière cachent péniblement la banalité d'un traité qui se voulait initialement le premier étage de la grande fusée fédérale européenne esquissée par le Président à la Sorbonne en septembre 2017. Le deuxième étage aurait dû être la constituante européenne à Strasbourg en mai prochain. Au final, on en reste au très modeste malentendu de 1963. Pas de quoi rivaliser avec l'arrogance de Trump.

    Cela fait plus de cinquante ans que l'Allemagne joue à la future mariée du couple franco-allemand, théorique moteur de l'Union européenne. Mais Berlin laisse le soupirant français lui conter fleurette tout en repoussant l'échéance. La réunification et la fin de la guerre froide en 1990 lui ont donné le premier rôle économique sur le continent. Quant à la guerre, elle ne veut plus en entendre parler sauf pour vendre du matériel. Son tuteur américain ne veut pas de ce mariage français. Et la promise allemande a peur d'une union aussi inégale.

    ­

    Vue d'Allemagne, la réconciliation franco-allemande est un simple rituel mémoriel qui vise à se faire pardonner les deux dernières guerres mondiales. Voilà pourquoi Berlin multiplie les gestes d'amitié avec Paris qui rêve toujours de grandeur. Mais passer de l'amitié à l'amour est périlleux. Tandis qu'on palabre entre voisins, l'argent reste à Francfort et le commandement militaire reste à Washington. Avec le vieil ami de Paris, on se remémore la légende de Charlemagne, histoire d'oublier que c'est toujours Donald Trump qui tient les rênes.

    Hadrien Desuin (Figaro Vox, 22 janvier 2019)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!